Retour en enfance

Ma maîtresse d'école part à la retraite. Les anciens élèves sont conviés à lui faire une surprise. Je retrouve mes vieux bancs d'école "pas pratique du tout!" confesse la maîtresse, qui a vu sa petite classe unique gonfler d'année en année. Elle a aujourd'hui un mobilier moderne, les grandes sections ont leur professeur, qui enseigne maintenant l'informatique, elle est restée avec "les petitous", dans ce qui était le foyer du village, que la mairie a réaménagé. J'ai grandi dans un petit village d'une centaine d'habitants, blotti entre les vignes et la garrigue, sans commerce, il y avait 20 élèves maximum dans la petite école, de la dernière année de maternelle au cm2. Les quatre grands muriers dans la cour nous servaient à taper les brosses pour les débarrasser de la poussière de craie, le petit jardin botanique était l'objet de nos plus grands soins, nous vivions au rythme des saisons, la maîtresse nous emmenait découvrir la campagne arrondissante dès que possible dans de grandes balades, en nous racontant la nature avec son accent du sud. Quand l'été et les grandes vacances arrivaient, chacun repartait avec un gros bouquet de lavande cueilli dans le jardin de l'école. Mon frère et ma soeur ont tout autant de bons souvenirs que moi. Dans ma "promo" nous étions... 2 ! J'étais très fière quand la maîtresse me confiait le soin de choisir les livres dans le bibliobus, à la rentrée, pour garnir la bibliothèque de l'école. L'enfance est souvent un havre de sérénité, cette petite école en est pour moi l'incarnation. C'est drôle de se retrouver contre le mur de la cour : il me paraissait immense, je le dépasse aujourd'hui de deux têtes! La maîtresse me confie qu'elle est plutôt soulagée d'arrêter, après trente ans à voir grandir les enfants du village : les nouvelles directives de l'éducation nationale ne lui plaisent plus. Il faudrait désinfecter le moindre caillou des chemins avant de pouvoir emmener les enfants en balade. Les vieux pneus avec lesquels nous construisions nos cabanes, ou qui délimitaient le terrain du ballon-prisonnier ont été jetés. Les enfants ont l'air très heureux encore, ils ont offert une médaille à la maîtresse. Elle ferme sa classe pour la dernière fois devant mon petit appareil vidéo. Nous avions réalisé un petit film quand j'étais au cm1, sur l'histoire des mines de fer de la région. Je me rappelle du tournage, de la salle de montage dans la petite ville d'à côté. Ma vocation serait-elle née là ? ça ne fait aucun doute!