Les travailleurs de l'ombre

Lorsqu'on est absorbé dans son boulot, on pense rarement à prendre quelques photos souvenir. C'est ce qui m'arrive à peu près à chaque montage! Du coup lorsque je passe le relais au montage son, puis que le film passe au mixage, et à l'étalonnage, j'essaie de me rattraper. L'inconvénient étant que tout ceci se passe dans de sombres cavernes, où les miracles ont lieu, où les rêves les plus fous des réalisateurs tentent de prendre forme sous les doigts agiles des travailleurs de l'ombre. En novembre, j'ai retrouvé Kathy Sebbah sur le montage de son très joli court métrage "La harde". On se connait depuis huit ans, je l'ai rencontrée alors qu'elle cherchait quelqu'un pour monter son film de fin d'étude à la Fémis, "La Changa", qui a ensuite pas mal voyagé en festivals. Nous avons monté quatre semaines dans une salle sans fenêtre, la nuit tombait sans qu'on s'en aperçoive... J'ai pris quelques clichés avec mon portable lorsque Mathieu Bogaerts est venu enregistrer une musique du film. Il a improvisé des heures durant, dans le studio qui n'était disponible que de nuit... Nous avons tout de même pris l'air dans un bistrot sympa de Montreuil après une projection test grand écran au Mélies pour recueillir les impressions de quelques amis, avant de retourner nous enfermer pour le mixage chez Jack son. Claire-Anne, la monteuse son, prêtait main forte à Laure, enceinte jusqu'aux oreilles, qui devait parfois faire des acrobaties pour atteindre ses potards! Notre petite équipe de brunettes a terminé le mix épuisée mais heureuse. Fin décembre, j'ai enchaîné sur le montage du film que Thomas Gayrard a réalisé dans le cadre de la collection "Ecrire pour un chanteur" de Canal +. Arthur H a été séduit par son histoire de juriste propulsé prof de kung fu malgrè lui, co-écrite avec mon vieux copain Nicolas. Pour ce film là, le planning était vraiment serré, deux semaines de montage intense nous ont conduit à passer soirées et week end devant l'ordi, ce qui est finalement assez fréquent pour ma part! Cette fois encore, j'ai omis de prendre quelques clichés, qui auraient pourtant été croustillants : notre banc de montage était installé... dans une cuisine! Nous avons terminé la post production en mixant la journée à Joinville, le studio où Marc travaille souvent, et en étalonnant, de nuit, avec Régis... Une équipe de gars cette fois, qui a mis le nez dehors au petit matin, alors que la tour eiffel était encore emmitouflée dans les nuages de neige. Le froid avait dessiné sur les vitres de la voiture des constellations glacées qui ont achevé de me faire planer, assommée de fatigue. Nous avons eu un petit week end pour souffler - pendant ce temps là les producteurs couraient partout pour finir de préparer la cassette, livrée le jour même de la projection de presse organisée par Canal + à l'Arlequin. Là aussi, prise dans l'excitation de la soirée, je n'ai pas fait la paparazi, il y avait pourtant là tous les artistes des films de la collection, Juliette, Miossec, Yelle, Julien Doré, Elie Medeiros et bien sûr notre kung fu master Arthur H. C'est toujours drôle de se retrouver face à quelqu'un qu'on a vu des jours entiers sur un écran dans toutes les positions - ou presque...- et qui n'a absolument aucune idée de qui vous êtes, ni de pourquoi vous le fixez avec tant de complicité au coin de l'oeil! Notre travail acharné a été récompensé par des slaves de rires, de chaleureux commentaires, et la belle sensation d'avoir formé une équipe qui aura plaisir à reconduire l'expérience... Peut être moins speed ? Il y avait un monde fou, un expo de photos de tournage sensass', tout un tas de copains, mais de toutes ces belles aventures, je ne peux montrer que des photos sous ex de fous furieux scotchés à leurs écrans... C'est ça d'être amoureux des salles obscures!