Nouvelle création pour le Collectif In Vitro

 Le théâtre est affaire de défi : après les pièces de Lagarce et Brecht, les membres du Collectif In Vitro, sous la direction artistique de Julie Deliquet, sont lancés depuis quelques mois dans l'écriture de leur prochaine création, "Nous sommes seuls maintenant", qui se veut la dernière partie d'un tryptique conçu comme un plan séquence autour du thème de l'héritage. Les trois pièces seront jouées ensemble lors de représentations exceptionnelles en novembre au Théâtre de Vanves.

Le Collectif In Vitro a intégré dès ses début le travail vidéo dans sa recherche théâtrale : vidéo mêlée à la scénographie ("Derniers Remord avant l'oubli" 2009), dispositifs de diffusion multiples pendant les répétitions, enquêtes filmées ou montage d'archives pour nourrir les thèmes abordés... à chaque étape de la création je me prête aux explorations des acteurs, qui font aussi usage fréquent de leur côté de leurs propres caméras, puis je réalise les captations des représentations et vidéos de promotion.

Et cette-fois ci je plonge plus loin encore dans l'experience, en réalisant un documentaire sur la démarche du collectif, scrutant l'emergence des idées, saisissant les éclairs inspirés, en prolongeant leur entreprise par une mise en perspective et par ma propre réflexion sur les résonnances que ce travail trouve dans notre époque.

L'interrogation que les acteurs mènent au fil des mois sur ce thème de l'heritage, leurs nombreuses répétitions presque exclusivement improvisées en groupe (12 comédiens sur cette création), nourries de leurs recherches personnelles et de l'emergence inévitable de leurs propres convictions, de leur propre histoire, de leurs failles; leurs enquêtes et leurs rencontres, coïncident avec une année de changement politique historique, qui elle-même ne cesse de raviver la mémoire du précédent de 1981, dans une période de contestations et d'urgence sans précédent.

La transposition théâtrale, renforcée par mon intention de témoigner poétiquement de ce projet, se frotte au réel : nous, héritiers de ceux qui ont vécu la fin d'une époque, de ceux qui ont été jeunes dans les années 70 et 80; nous qui avons grandit dans le récit fantasmé d'une époque où tout semblait à réinventer; nous qui n'avons pas droit à la même insouciance - ou prétendue insouciance - au même âge, quelles promesses l'époque peut-elle nous faire ? Et quelle réponse le travail collectif peut-il apporter?

Alors que la pièce s'écrit répétition après répétitions, que les scrutins se succèdent, que les frémissements se font plus visibles, ressurgissent des archives, des visages du passé, puis les mêmes visages, un peu moins jeunes... D'autres visages leur ont succédé dans la revendication, et je me prends à tenter de saisir leurs rêves...

Le travail n'en est qu'à ses balbutiements, mais filmer c'est agir déjà, et penser le monde...

J'en reparlerai sans aucun doute!