Raconter l’histoire des grandes figures du féminisme tout en archives : voilà le défi auquel la réalisatrice Mathilde Damoisel m’a conviée !
Produite par Morgane, cette aventure de plusieurs mois de montage - confortablement accueillies par l’équipe chaleureuse de Pom’Zed !! -
nous a plongées dans des trésors d’images, que ce soient les fictions, les actualités, ou les si touchantes bobines de films amateurs collectées dans les fonds régionaux, dont on ne saluera jamais assez le primordial travail ! La cinémathèque de Bretagne notamment, qui fait même l'inventaire des plans que nous avons choisis !
« Un récit passionnant et passionné, en deux volets, sur le féminisme à la française. » titre Télérama, qui nous gratifie de 2T pour cette diffusion dans la Case du Siècle de France 5, à l'occasion de la journée des droits de la femme.
Au service du sens implacable de la synthèse et du récit de la réalisatrice, nous avons tissé ces images, conçu avec le musicien de Fabien Bourdier et la graphiste Maud Remy l’écrin qui saurait rendre hommage à ces femmes, engagées, insurgées, visionnaires, elles qui se sont battues pour que les droits des femmes avancent, souvent au péril de leur vie.
D’Olympe de Gouges aux filles du MLF, il fallait articuler ces multiples destins, croiser les problématiques - droits civiques, droits dans le travail, dans la famille, contraception et liberté de disposer de son corps… - et faire dans un même temps palpiter le quotidien des femmes sur deux siècles d’histoire de France.
Comme j’en ai l’habitude, à partir du dossier écrit par la réalisatrice, j’établissais mes fiches et plongeais dans ces vies passionnantes.
La valeureuse Olympe, la tenace Flora Tristan, la révolutionnaire Louise Michel, l’intrépide Hubertine Auclert...l’incroyable et injustement oubliée Madeleine Pelletier, écrivain, médecin, habillée en homme quand le code civil imposait aux femmes l’obéissance aux maris !
Et bien sûr les luttes collectives autour du journal La Fronde de Marguerite Durand… celles pour le vote des femmes initiées par les rassemblements politiques des femmes de la révolution de 1848, relancées par Louise Weiss dans les années 1930, poursuivies inlassablement face à l’absurdité de cet éternel statut de mineure des femmes, qui ne sera mis à bas qu’après les sacrifices de la seconde guerre mondiale…
Et le combat pour le droit à l’avortement, depuis les engagements de Berty Albrecht, les patientes actions du planning familial d’Evelyne Sullerot et Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé et jusqu’à bien sûr l’explosion joyeuse et radicale que fut le mouvement féministe des années 70.
Sans oublier Simone bien sûr : l’incontournable Simone de Beauvoir !
Et cette évidence, ce « fil rouge » : tout commence par une prise de parole ! Et cela se vérifie encore de nos jours.
Alors que les réseaux sociaux sociaux s’enflammaient des hashtags comme #metoo, et que la charge mentale y était débattue et enfin désignée, nous étions deux femmes aux manettes à construire notre grand puzzle, découpant, tournant, assemblant...
La métaphore de la couture que j'utilise souvent pour illustrer les etapes de ce long processus qu'est le montage - le projet sur papier, le patron, la silhouette qu'on epingle, les coutures grossières puis plus fines, enfin les fioritures et petites broderies, les jolis boutons pour parfaire le tout ! - ne s'est jamais autant justifiée que lorsque nous avons été installées dans cette ancienne boutique avec pignon sur rue !!
Notre duo de Mathilde réussissait même à assurer un planning survolté de jeunes mamans pourtant totalement engagées dans leur travail, philosophant avec complicité sur les paradoxes, les concessions, les irréconciliables injonctions que la société et l’histoire ont imposé à la moitié du genre humain…
Tout en gérant les absences de nounous impromptues, qui m’ont valu un assistant fort novice pendant une demi-journée !! :)
Les débats, les émotions, les doutes, le sentiment qu’on accomplit avec un projet quelque chose d’utile, que le message dont on a la responsabilité est de toute première importance, qu’il a vocation à toucher toutes les femmes, et surtout les plus jeunes…
Rarement il m’aura été donné de vibrer autant sur un sujet, moi qui suis depuis toujours intimement convaincue que l’égalité des femmes et des hommes est le premier des buts à atteindre, dont découleront logiquement tellement de progrès : la laïcité, la démocratie, la lutte contre le racisme et l’homophobie, une économie plus juste, une éducation des enfants plus inventive… Un cercle vertueux fidèle à la devise de notre république…
Ce fut une grande émotion de découvrir la sublime encyclopédie manuscrite que tenta d’établir l’institutrice pacifiste Hélène Brion, collectant tout au long de sa vie les bribes de biographie de ces femmes, les quelques articles les concernant, les photos que les fourches caudines d’une histoire écrite au masculin avaient malgré tous les obstacles laissé passer… Sauver de l’oubli toutes ces actrices à qui nous devons d’être aujourd’hui libres et légitimes lorsque nous prenons la parole !
C’est le travail de la bibliothèque du féminisme, la bibliothèque Marguerite Durand, tellement nécessaire et pourtant un temps menacée...
Le féminisme a encore des batailles à mener, tout les acquis sont encore si fragiles : elles n’ont pas été abattues, toutes le barrières, loin s’en faut !
Il n’y a qu’à constater combien, comme depuis toujours, il est encore pris de précautions par certain.e.s pour se garder d’être affublée de ce qualificatif : féministe !
Mais la prise de parole des femmes continue ! Tourner les images lors du rassemblement du 17 novembre 2017 me transporta totalement, et je suis heureuse que les deux volets de cette histoire des grandes figures du féminisme, racontée avec toute l’émotion et la rigueur de leur réalisatrice, termine sur ces héritières, nos contemporaines, qui portent haut encore leur determination, leurs convictions. Pourvu que ces films permettent de gonfler leurs troupes !!
#EgaliteFH
Delphine Ernotte (présidente de France Télévisions) , Nathalie Darrigrand (directrice de France 5), Amélie Juan (productrice chez Morgane) et Mathilde Damoisel lors de la projection chez France Télévisions.